L’écolabel européen sur les produits financiers

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16 septembre 2020

Le projet d’Ecolabel européen sur les produits financiers s’inscrit dans le cadre des initiatives de la Commission européenne au titre de son plan d’action de 2018 pour le financement d’une croissance durable.

Avec d’autres mesures, il a pour vocation de favoriser l’orientation des flux financiers vers des investissements durables et notamment de mobiliser en ce sens les actifs détenus par les épargnants de détail.

Il résulte en effet d’un nombre croissant d’études que ceux-ci se sentent concernés dans une large majorité par les enjeux soulevés par le développement durable et souhaitent faire de leurs décisions d’investissement un levier susceptible de générer des changements dans l’économie réelle en ligne avec leurs valeurs.

Le mécanisme de l’Ecolabel européen a donc été considéré comme une réponse potentiellement adaptée à cette attente en ce qu’il serait susceptible de « (i) permettre à des épargnants soucieux de l’impact environnemental de leurs investissement de faire des choix informés et de contribuer à la transition verte et (ii) inciter l’industrie à développer des produits financiers avec un impact environnemental réduit ou un impact environnemental positif » (EC Staff Working document on Sustainable Products in a Circular Economy, p. 11 – 2019).

En effet, conformément aux dispositions du Règlement (CE) N° 66/2010 établissant le label écologique de l’UE, l’Ecolabel a pour objectif explicite de permettre l’identification – à travers une série de critères définis au cours d’un processus consultatif – des produits présentant la meilleure performance environnementale de leur catégorie, évaluée à partir d’une analyse scientifiquement fondée de leurs impacts environnementaux.

Cependant, les deux séries de critères successivement proposées par le JRC de la Commission européenne à ce jour pour l’Ecolabel sur les produits financiers ne sont conformes ni aux dispositions du Règlement susvisé ni aux objectifs de politique environnementale fixés par le plan d’action de la Commission européenne.

En effet, ces critères sont principalement fondés sur la mesure de l’exposition des produits financiers à des entreprises ayant des activités considérées comme « vertes », en particulier au regard de la Taxonomie développée en parallèle par l’Union européenne.

Or, l’hypothèse selon laquelle le degré d’exposition d’un produit financier à de telles activités lui permettrait d’avoir un impact environnemental réel ou en constituerait un indicateur fiable ne repose, concernant en particulier les produits retail, sur aucun fondement scientifique en l’état actuel de la recherche, ainsi que cela a été amplement démontré par les travaux des principaux auteurs cités par le JRC lui-même.

Pas plus qu’il n’y a de fondement scientifique à l’hypothèse, également mobilisée par le JRC pour justifier son approche, selon laquelle l’engouement des investisseurs pour de tels produits permettrait d’atteindre ou de mesurer de tels impacts.

Ces raisonnements reposent en fait sur une confusion récurrente entre l’impact environnemental des sociétés faisant l’objet d’un investissement et la contribution de l’investisseur lui-même à cet impact, l’appréciation de ce dernier paramètre devant pourtant être au fondement même de toute démarche de labellisation pertinente.

Les critères proposés à ce jour ne permettent donc pas de mesurer avec rigueur la performance environnementale des produits financiers et sont, par conséquent, contraires à l’essence même du mécanisme de l’Ecolabel.

On constate par ailleurs que, les seuils d’exposition initialement proposés pour rendre un produit financier éligible à l’Ecolabel réduisant l’univers d’investissement à une portion insignifiante du marché, le JRC les a drastiquement abaissés dans sa deuxième proposition. Il en est résulté que des produits très minoritairement investis dans les secteurs taxonomiques seraient ainsi éligibles, en parfaite contradiction avec l’hypothèse selon laquelle la meilleure performance environnementale des produits financiers Ecolabellisés pourrait être déduite de leur rôle dans l’accroissement des investissements dans des activités taxonomiques.

En outre, la focalisation de l’Ecolabel sur des indicateurs liés à la taxonomie suppose, pour que celui-ci soit praticable, la disponibilité des données pertinentes. Or, de telles données ne seront disponibles que dans plusieurs années, à supposer que la règlementation soit correctement appliquée ce qui ne relève pas de l’évidence. Par ailleurs, seuls les émetteurs soumis au droit communautaire seront tenus de publier de telles données, laissant ainsi une quantité considérable d’acteurs à l’extérieur du champ d’application des critères proposés.

Enfin et surtout, en permettant à des produits financiers déployant des stratégies d’investissement indifférentes à la démonstration crédible de leur impact dans l’économie réelle de se prévaloir du régime de l’Ecolabel – dispositif pourtant construit et précisément axé sur la mesure de la performance environnementale réelle du produit labellisé – les critères proposés auront pour effet de fournir une justification à des pratiques indiscutablement trompeuses et, de surcroît, contestables au titre des dispositions relatives à la protection des consommateurs promues par l’Union européenne (cf. nos études sur le sujet).

Il s’en déduit que si ces critères étaient maintenus, les risques juridiques et de réputation tant pour les opérateurs que pour le mécanisme de l’Ecolabel lui-même seront considérables.

La version développée des observations qui précèdent ont été communiquées à travers deux rapports au JRC en réponse à ses propositions successives de critères. A ce jour elles n’ont fait l’objet d’aucune réponse formelle, le JRC n’ayant pas davantage procédé dans ses différentes publications à l’évaluation de la performance environnementale attendue de l’application des critères qu’il a proposés, ainsi que l’exige pourtant l’Annexe 1 au Règlement (CE) N° 66/2010.

En considération de ce qui précède, il apparait que tant les critères proposés que les procédures suivies à ce jour dans le cadre de la conception de l’Ecolabel européen sur les produits financiers ne sont conformes ni à la réglementation relative à l’Ecolabel ni aux objectifs de politique publique contenus dans le Plan d’action pour le financement d’une croissance durable, situation à laquelle il serait hautement souhaitable qu’il soit remédié dans les meilleurs délais.